Je pense avoir été confrontée à l’alexithymie pour la première fois il y a une vingtaine d’années, lors d’une conversation avec ma belle-sœur. Elle me parlait des difficultés que rencontrait son couple. Bien sûr, ni elle ni moi ne connaissions le mot ALEXITHYMIE. Mais surtout, je ne pense pas avoir compris ce dont elle me parlait ce soir-là.
Elle me disait de mon frère qu’il ne la regardait jamais, qu’elle pouvait aussi bien se faire belle, ou s’habiller comme un sac à patates, sa réaction était la même : rien. Il ne la complimentait pas. Il ne la critiquait pas non plus. Elle me disait que probablement il l’aimait, mais il l’aimait en bloc, en noir et blanc, sans nuances et sans couleurs.
Moi je ne voyais pas ce qu’il pouvait bien y avoir d’aussi bouleversant dans ce constat. « Tant qu’il t’aime… »
Elle me parlait de sa souffrance, de son impuissance à communiquer. Je savais mon frère un peu réservé sur ses sentiments et je l’encourageais naïvement à insister un peu, à trouver les mots qui le feraient réagir.
Ce dont m’a parlé ma belle-sœur cette nuit-là, je l’ai compris seulement dix ans plus tard, lorsqu’à mon tour j’eus envie de plus d’intimité avec l’homme qui partageait ma vie.
Et que je me suis cognée à une boîte noire.
