Mon premier contact avec l’alexithymie remonte à environ 25 ans.

C’était lors d’une soirée de confidences nocturnes avec ma belle-sœur. Elles me parlaient de ses difficultés de couple. Il y était question de l’incapacité de mon frère à la complimenter, à simplement lui dire ce qu’il appréciait chez elle ou à faire des feed-back sur les moments partagés. Et de sa solitude dans le couple.

Je me souviens de ces mots.
— « Oui, il m’aime… mais je pourrais m’habiller en sac de patate ou me coiffer à l’Iroquoise, ce serait pareil. Tu comprends ?

Et non, je ne comprenais absolument pas ce qu’elle voulait me dire. Je ne voyais pas en quoi c’était un problème. Je la rassurais donc comme je pouvais : « Du moment qu’il t’aime, c’est le plus important quand même. Et puis, s’il te trouve belle tout le temps, tu as de la chance ! » Et c’est seulement bien des années plus tard, lorsqu’à mon tour je réalisais que mon compagnon ne pouvait lui non plus exprimer aucune émotion personnelle, et que cela me plongeait dans un grand désarroi, que ces quelques mots échangés avec ma belle-sœur remontèrent à la surface. Et que je compris.

À partir de ce jour-là, ces paroles se mirent à éclairer doucement ce que je ressentais. À la différence d’Isaé, je savais que je n’étais pas seule. Tout ce que je vivais au quotidien entrait en résonance avec ce que ma belle-sœur m’avait décrit 25 ans plus tôt.
Et c’est ces deux sentiments entremêlés qui m’amènent à écrire aujourd’hui, pour créer un espace où partager nos solitudes, nos désarrois et peut-être les solutions que nous bricolons chacun de notre côté.